Japon
Tokkeï est peintre. Il est très pauvre et désespéré. Cela fait plusieurs mois qu’il n’a pas de commande. Il n’a plus un rond. Il vit avec sa mère et n’ont presque plus rien à manger. Un jour, il dit à sa mère :
- Prends cette pièce d'argent, la dernière que nous avons, et achète-nous un peu de nourriture. Et, après, eh bien... nous verrons…..
La mère part au marché...Elle revient, un peu plus tard, mais au lieu d'avoir ramené quelques légumes, elle a... un petit chat dans ses mains !!! Le peintre s'étonne, consterné. Une bouche de plus à nourrir mais la maman s'explique:
- O fils, je... Je sais que ce n'est pas très raisonnable, mais j'ai acheté ce petit chat, parce que, quand il m'a regardé, j'étais sûre qu'il nous porterait bonheur.
Un matin, on frappe à la porte. C'est un moine du temple de la ville qui vient lui proposer de peindre une fresque sur la mort de Bouddha dans la grande salle du temple ; le peintre se demande s’il rêve : cela veut dire beaucoup d’argent, plus, même, la gloire, la célébrité. Le peintre jette un coup d’œil au petit chat, puis à sa mère, esquisse un sourire et bien sûr, il accepte. Le peintre prépare son matériel : pinceaux, crayons, encres de couleur. Il range le tout dans un grand sac.
Tokkeï part au temple. Lorsqu’il se trouve devant le grand mur où il doit peindre la fresque, il sait qu’il en a pour plusieurs semaines de travail. Il demande aux moines de ne pas entrer dans cette pièce avant que tout ne soit terminé. Une fois seul, il déballe son matériel et découvre le petit chat qui s’était glissé dans le sac.
- Ah ! te voilà. Mais qu’est-ce que tu fais là. Tu sais bien que l’endroit t’est interdit. Selon la légende bouddhique, lorsque Bouddha a été proche de la mort, toutes les créatures de la terre : humains et animaux, ont dépêché des représentants pour lui rendre un ultime hommage, toutes, sauf les chats : trop paresseux, trop orgueilleux, trop indépendants, trop... chats, quoi... Et, de ce fait, les chats auraient été maudits.
Tu comprends? Et Tokkeï le sort du sac et l’installe à côté de lui.
Tokkeï commence sa fresque... Il dessine Bouddha, assis en position de méditation sur un coussin de pétales de fleur de lotus... Le petit chat, sans faire de bruit ni bouger, regarde, intensément...Puis, Tokkeï se met à peindre l'éléphant qui, toujours selon la légende, est le premier à être venu rendre à Bouddha son dernier hommage. le petit chat est toujours là, immobile comme absorbé par le travail du peintre.
Et Tokkeï poursuit sa toile en dessinant tous les animaux. Ca prend des jours et des jours.
Entre temps, bien sûr, une sorte de complicité s'est tissée entre lui et le petit chat. De temps en temps le peintre lui parle. Un jour, n'y tenant plus :
- Ecoute... tu sais que... je ne peux pas te peindre dans la fresque parce que...
Le petit chat baisse les oreilles un peu triste, va se rouler en boule au fond de la pièce... Et ça, ça brise le cœur, de Tokkeï …. Dilemme : La fortune et la gloire ou la déchéance et la misère.
Et tout d’un coup tout bascule, il plonge vers l’extrémité de la fresque. Il dessine un petit chat - OUI, il dessine un petit chat. Le chat sent qu’il se passe quelque chose. Il ouvre les yeux et s’approche de la fresque. Il est saisi d’un tel bonheur qu'il tombe raide mort. Le peintre est désemparé, bien sûr, mais sa fresque est finie.
Et le moment, tant attendu, est arrivé.
Les moines viennent voir le résultat de son travail :
- Waou ! on n'a jamais rien vu d'aussi grandiose, ni d'aussi beau, ni d'aussi extraordinaire !
Jusqu’à ce que le supérieur du Temple remarque la minuscule forme poilue tout à l'extrémité du tableau Il s’indigne vigoureusement :
- Un Chat ! Misérable ! Malgré la légende tu as osé peindre celui qui est maudit.
Il est tard ce soir mais demain matin, toute trace de chat doit avoir disparu sinon c’est la destruction de la fresque. Le peintre est effondré mais la nuit vient, et le sommeil finit par avoir raison de tout le monde.
Le lendemain, un moine vient ouvrir les stores de la grande salle, se frotte les yeux et jette un œil sur la fresque promise au bûcher. Il avale sa salive, et se précipite pour réveiller le supérieur du Temple, qui accourt en bougonnant. Et là, le Maître n'en croit pas ses yeux, c’est vrai il n'y a plus de chat à l'extrémité de la fresque.
Mais il y a aussi quelque chose, dans le tableau, qui le bouleverse, quelque chose de changé dans la représentation du Bouddha. Et même dans son sourire. Oh, pas grand chose, en fait, presque rien, excepté que dans ses mains ronronne un tout petit chat ….
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